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Une citation en février 2013 de mon livre Le Secret de l'Occident (édition 2007) par Kostas Mavrakis. Dans cet article, dont un extrait est reproduit ci-dessous, Mavrakis fait la critique d'un livre partisan de l'hypothèse religieuse pour expliquer le miracle européen au IIe millénaire (raccourci).
(Kostas Mavrakis: "Le christianisme, l’art et la laïcité. De quelques exigences de méthode", revue Catholica, no118, 21 fév 2013).

Copie de sûreté: septembre 2013. Source.
Théorie du miracle européen
Cosandey






Revue Catholica | Le christianisme, l’art et la laïcité. De quelques exigences de méthode | Par Kostas Mavrakis

Revue de réflexion politique et religieuse soutenue par le Centre National du Livre (Ministère de la Culture).

Le christianisme, l’art et la laïcité. De quelques exigences de méthode

Article publié le 21 fév 2013 | imprimer ce texte imprimer ce texte

Examen critique des deux derniers ouvrages de Jean-Louis Harouel, La Grande falsification. L’art contemporain (2009) et Le vrai génie du christianisme. Laïcité, Liberté, Développement (2012).



Jean-Louis Harouel est un auteur prolifique d’ouvrages de droit, d’économie et d’histoire. Ses deux derniers livres : La grande falsification et Le vrai génie du christianisme sont un renfort appréciable dans le combat que nous sommes quelques-uns à mener en faveur de la civilisation. Celle-ci, nous le savons tous, se reproduit dans des groupes humains ayant leur identité propre, l’art en est la composante principale et la religion en constitue le ressort. Parce que notre société détruit ces conditions de possibilité de ce qui est grand et digne de l’homme, nous marchons vers la barbarie. Tels sont les enjeux de la lutte idéologique (portant sur des valeurs) à laquelle Harouel apporte une contribution notable1.

(...)

Ce qui intéresse Harouel, c’est l’individualisme moderne, « invention occidentale », celui propre à l’entrepreneur capitaliste. Il définit l’idéologie spontanée de ce dernier (qu’il partage) comme affirmant « l’indépendance première et l’antériorité des individus par rapport au lien politique » (p. 33) et oppose cette façon de voir au « holisme – ou totalisme » auquel « l’humanité serait […] restée soumise » « en l’absence du christianisme occidental » (p. 28). Sur ce point également, je m’inscris en faux contre Harouel. La primauté de la collectivité sur l’individu est un impératif moral qui ne s’oppose pas nécessairement à la liberté de l’individu dans la vie quotidienne. En revanche, sur le plan politique, sacrifier à son intérêt personnel l’intérêt de la communauté (nationale, par exemple) à laquelle on appartient fait de vous un traître.

Après l’antiquité, Harouel continue à survoler l’histoire universelle, examinant successivement la Chine, l’Islam, la traite des esclaves, la lutte entre le Pape et l’empereur, le millénarisme, les religions politiques, la religion d’Etat des nouveaux droits de l’homme et son moralisme, l’immigration islamique et le suicide de l’Europe. Sur tous ces points, que je sois d’accord (c’est souvent le cas) ou pas, quelle importance ? Je ne peux cependant laisser passer sans un mot de protestation deux points : premièrement, la critique justifiée de l’islamisme théocratique qui ne sépare pas le temporel du spirituel n’implique pas qu’on fasse l’éloge d’un laïcisme qui oppose ces deux domaines d’une manière rigide et sacrifie en pratique le plus élevé au plus bas ; deuxièmement, la sortie d’Harouel contre l’écologisme à juste titre qualifié de millénarisme et de refuge pour « un certain nombre d’orphelins du communisme » (p. 212) laisse penser que pour lui le profit à court terme de quelques-uns l’emporte sur tout souci quant à l’avenir de notre terre et des générations futures.

Harouel est un libéral, fidèle disciple de Fourastié. Sous couleur d’apologie du christianisme et en attribuant à son influence tous les progrès moraux, économiques, techniques, scientifiques, Harouel fait plutôt l’éloge de l’ordre établi et du système de l’argent, déniant les dégâts sociaux et environnementaux du capitalisme sauvage car il est contre l’intervention de l’Etat. Il critique donc non seulement Staline et Lénine mais aussi Marx. Pourquoi pas ? Il se trouve que pour critiquer ce dernier, il faut d’abord le connaître et le comprendre ce qui suppose qu’on l’ait lu. Harouel a-t-il lu Marx ? Ce qu’il en dit ne s’appuie que sur des commentaires dont l’autorité peut être contestée. Les opinions d’Angenot, Benz, Némo, Cohn, Neil, Aron (pp. 204-205) nous apprennent quelque chose, mais si l’on veut savoir ce que pensait Marx, il faut le demander à ses écrits. Cela permettrait une discussion intéressante. Pourquoi aussi ne pas citer les auteurs grecs ou latins dès lors qu’on parle de la Grèce ou de Rome ? Pourquoi ne pas aller aux sources si l’on veut effectuer une recherche personnelle ? Inversement si l’on contente d’un savoir de seconde main et qu’on développe des réflexions qui pourraient être celles d’un journaliste talentueux, pourquoi se donner la peine de citer des dizaines, voire des centaines d’auteurs?

Le livre d’Harouel propose une réponse à la question suivante : comment se fait-il qu’il ait été réservé à l’Europe d’inventer la technoscience, l’économie marchande, le capitalisme, la croissance et le progrès ? D’où vient ce dynamisme qui entraîne toutes les branches de la vie : l’économie, certes, mais aussi la politique (avec la démocratie représentative) et les œuvres de civilisation? A la suite de beaucoup d’autres, notre auteur voit dans le christianisme l’origine de tous ces bienfaits réels ou supposés. Nous le lui accorderons dans une certaine mesure mais cette explication spiritualiste n’est pas suffisante. Il y en a d’autres, les unes géopolitiques (Jared Diamond, David Cosandey), une politico-sociale (Samir Amin). Harouel n’examine que la première qu’il rejette out of hand sans la réfuter, ni lui opposer l’ombre d’un argument. La question reste donc ouverte et il faudra y revenir.

  1. . La grande falsification. L’art contemporain, Jean-Cyrille Godefroy, 2009 ; Le vrai génie du christianisme. Laïcité, Liberté, Développement, Jean-Cyrille Godefroy, 2012. []
  2. . Cf. Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien, Albin Michel, 2007, p. 247. []
  3. . Cf. Alain de Benoist, Mémoire vive, Ed. de Fallois, 2012, p. 151. []

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Créé: 22 sept 2013 – Derniers changements: 22 sept 2013