David Cosandey
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The complete version of the paper by Christophe Brun, presented at the international meeting on war and literature in Meknes, Marocco, 25th-27th October 2001. The online paper is destined for students of French in Morocco, preparing for the May 2002 exams.
Safety copy May 2002. Original document. |
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I. Une théorisation
géotechnique de la parenté des situations De quel droit traiter d'un même mouvement de la guerre en Grèce classique, et de part et d'autre de la Manche vers 1400 ? Presque deux millénaires séparent deux types de société (la cité grecque ; l'État féodal européen) qui relèvent de deux civilisations (la Grèce et la Méditerranée antiques ; l'Europe médiévale) établies en deux espaces géographiques distincts (le sud de la péninsule Balkanique qui s'ouvre sur la mer Égée et le bassin oriental de la Méditerranée ; l'Europe du Nord-Ouest baignée par les eaux de l'océan Atlantique). Pourtant,
en dehors de la simple constatation qu'au sein des deux sociétés, la guerre est
fréquente et considérée comme normale, la comparaison s'avère fructueuse si
sont prises en considération deux déterminations qui rapprochent les caractères
guerriers des sociétés étudiées. L'une d'elles est d'ordre
technique et économique : les deux sociétés ne connaissent ni les armes à
feu, qui se répandent à partir des XVe-XVIe s., ni l'industrialisation amorcée aux XVIIIe-XIXe s. De sorte qu'à la
question de savoir comment, en situation de guerre, surclasser l'adversaire,
les Grecs comme les Anglais-Français n'ont pu inventer de moyens d'action qu'en
puisant aux mêmes sources naturelles d'énergie et de matériaux. L'énergie est
issue des forces naturelles telles que la gravitation, les flux d'air et d'eau,
etc. ; de la force musculaire de l'animal, dont celle de l'homme ;
des combustibles végétaux (bois, tourbe, huiles, résines, etc.), animaux (suif)
et minéraux (charbon, pétrole brut - « naphte » ou bitume). Les
matériaux sont également minéraux, végétaux, animaux : les roches ;
les métaux plus ou moins épurés et perfectionnés par les alliages ; le bois ;
les plantes, les poils, les peaux, les viscères et tendons, les dents et les
os, etc., et leurs transformations par le textile, la pelleterie, la
maroquinerie, la corderie, etc. La seconde est d'ordre
géopolitique. Au contraire de la précédente, elle semble être, sur le long
terme (plusieurs siècles), une caractéristique de ce qu'il est convenu
d'appeler l'Occident[2].
Elle est décrite par un néologisme publié par un historien non institutionnel,
David Cosandey, en 1997[3] :
la « méreuporie »[4],
terme forgé à partir du grec et qui désigne pour son auteur une « division
politique stable » accompagnée de prospérité économique.[5] La division politique stable
est la permanence, sur plusieurs siècles et au sein d'une même aire de
civilisation, d'un système d'États concurrents dont environ une dizaine ont une
importance significative[6].
Elle s'observe dans le cas des cités grecques de l'Hellade (Grèce européenne,
égéenne et asiatique) du IIIe millénaire av. J.-C. au moins jusqu'au IVe s. av. J.-C. Elle
se reproduit brièvement aux IIIe et IIe s. av. J.-C., à un degré de puissance
supérieur, lorsque apparaissent en Méditerranée orientale les grands États
hellénistiques rivaux issus du partage de l'empire macédonien d'Alexandre le
Grand. Puis elle disparaît, absorbée dans un empire unifié par sa civilisation
méditerranéenne et ses institutions civiques, et politiquement ordonné autour
de Rome (Ier s. av. J.-C.-Ve s. ap. J.-C.). Un tel système d'États concurrents s'observe à
nouveau en Europe occidentale[7],
un espace correspondant à peu près aujourd'hui à l'Union européenne et à
l'Europe médiane, à l'exclusion des États russophones, ainsi que des États
balkaniques nés de la décomposition de l'empire ottoman aux XVIIIe-XXe s. Cette configuration
géopolitique européenne prend forme avec les royaumes « barbares »
germaniques des Ve-VIIe s. et subsiste au
moins jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, à la mi-XXe s. À ce moment, la
méreuporie européenne est devenue « occidentale » avec l'adjonction
de la Russie (XVIIIe s.),
des Balkans (XIXe s.),
et mieux encore des États-Unis d'Amérique (XIXe s.). Mais l'Europe
sombre politiquement dans le « suicide européen » que furent les deux
guerres mondiales. Leurs conséquences géopolitiques majeures furent d'une part
la naissance des deux « supergrands » américain et soviétique,
d'autre part le processus d'intégration économique et politique des États
d'Europe occidentale amorcé vers 1950 et poursuivi de nos jours vers l'Europe
médiane et orientale. D'où vient que les Grecs, puis les Européens, ont bénéficié de cette « bonne méreuporie » durant plusieurs siècles, à l'exception de toute autre civilisation ? David Cosandey propose en réponse à cette question un second concept : la « thalassographie articulée »[8], qui confère un rôle déterminant à la « silhouette géographique » de l'Hellade et à celle du continent européen : les contours côtiers très découpés donnent naissance à des territoires compartimentés, en particulier les îles, presqu'îles et péninsules. L'imbrication des espaces terrestre et maritime fait qu'aucun point de celui-là n'est très éloigné de celui-ci. En prenant en considération fleuves et montagnes, le cloisonnement des espaces apparaît encore accru, alors même que l'omniprésence des mers et des cours d'eau navigables favorise les échanges. La morphologie spatiale explique simultanément la formation durable d'entités ethno-politiques qui occupent des portions d'espace assez clairement délimitées et protégées[9], et l'instauration d'une croissance économique tendancielle fondée sur un commerce massif de produits de base pondéreux (grains, bois, métaux notamment) par voies fluviale et maritime, les seules possibles - eu égard aux techniques de transport disponibles et à leur coût - jusqu'à l'ère industrielle[10]. Le relatif cloisonnement de
l'espace favorable à la permanence d'entités politiques demeure fonction de la
puissance technique de ces dernières, elle-même corrélée à l'extension
territoriale, surtout en cas de stagnation ou de faible progrès de la
productivité. C'est la raison pour laquelle les cités grecques furent
surclassées par la Macédoine et les États hellénistiques, et ces derniers par
l'empire romain ; de même, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les
États d'Europe occidentale se muèrent en grandes puissances de second rang
lorsque s'affirmèrent les deux « supergrands ». En outre, les effets socio-économiques de la
thalassographie articulée ne se peuvent produire que lorsque l'espace concerné
est suffisamment investi et mis en valeur par le peuplement humain[11].
Ce n'est le cas dans la moitié septentrionale, non méditerranéenne, de
l'Europe, avec ses sols lourds couverts de forêts denses, qu'aux premiers
siècles du Moyen Âge - en partie grâce à la croissance cumulative endogène de
la population qui se nourrit du reste, secondairement, des apports migratoires
de peuples nomades envahisseurs finalement sédentarisés et absorbés (IIIe-Xe s.). Dès lors que sont prises en
compte les caractéristiques techniques et économiques des sociétés antérieures
aux armes à feu et à l'industrialisation, ainsi que la bonne méreuporie issue
de la thalassographie articulée - c'est-à-dire le cadre géopolitique d'un
système durable d'États concurrents et relativement prospères au sein d'une
même civilisation -, il apparaît qu'entre la société guerrière de la Grèce
classique et celle de l'Europe nord-occidentale à l'époque de la guerre de Cent
Ans, il existe, non une différence essentielle de nature, mais plutôt de degré. La plus remarquable différence est ainsi le
changement d'échelle, géographique et donc quantitatif, dans les moyens
affectés à la rivalité militaire. Cependant, en dépit de ce changement de
dimension, les rapports entre société militaire et société globale fonctionnent
de manière similaire, tant dans l'ordre politique qu'idéologique. II. De l'Hellade à l'Europe :
le changement d'échelle d'une force de frappe de même nature. La Grèce antique - l'Hellade - est née à l'extrémité sud-orientale de l'arc alpin, sur la côte occidentale de l'Asie mineure ainsi que, entre ces deux péninsules, dans la poussière d'îles de la mer Égée. Le territoire, aux quatre-cinquièmes montagneux, est baigné par la mer : l'Égée bien sûr, prolongée au sud par la Méditerranée proprement dite, par la mer Noire au nord, mais aussi, au Couchant, l'Adriatique et son appendice le golfe de Corinthe qui presque isole la péninsule du Péloponnèse de la Grèce continentale d'Europe. Les vingt pour cent restants sont de petites plaines étroites, pour la plupart côtières, où se concentre l'essentiel de la population et où sont apparues les cités grecques : à l'espace topographiquement compartimenté de l'Hellade correspond le morcellement politique en une multitude de micro-États qui n'ont le plus souvent que de 100 à 200 km² de superficie. Les « géants » du
monde grec sont Argos, dotée de 600 km², mieux encore Athènes, dont le
territoire civique atteint 2 600 km², et surtout Sparte, État de
8 000 km² à l'époque de sa plus grande extension[12].
Dans le cadre d'économies fondées sur les revenus de l'agriculture, la
population des cités est en rapport direct avec ces surfaces, même si les
ressources de la pêche et du commerce permettent de nourrir davantage d'hommes
que ne l'autoriseraient les seuls espaces agricoles : on compte le plus
souvent quelques centaines ou milliers d'habitants par cité. Athènes est une
exception remarquable puisqu'au Ve s., son vaste territoire et
l'approvisionnement que sa flotte lui procure lui font atteindre les
200 000 habitants, dont 30 000 à 40 000 citoyens qui sont
autant de combattants potentiels. Ainsi, après la remarquable
croissance démographique des IXe-VIIe s. av. J.-C. et les migrations
« coloniales » sur le pourtour du bassin méditerranéen qui en furent
une conséquence, l'Hellade compte tout au plus, au Ve s. av. J.-C., de 3 à 4
millions d'habitants[13]. Les royaumes de France et d'Angleterre se sont constitués au cœur occidental de la large bande de plaines et de bas plateaux, encadrée de massifs montagneux, qui prend en écharpe la moitié Nord de l'Europe : les bassins sédimentaires de Londres[14], de Paris et d'Aquitaine[15]. Les sols profonds, riches et lourds, le climat océanique humide, sont propices aux cultures et aux pâturages et permettent des rendements nourriciers bien supérieurs à ceux de l'Hellade dès lors que l'outillage agricole et le niveau de peuplement nécessaire aux défrichements en actualisent les potentialités. Les surfaces concernées sont au surplus bien plus considérables : vers 1400, le royaume d'Angleterre compte environ 100 000 km², contre 450 000 à son adversaire français. La population, elle, a souffert de la pandémie de
Peste Noire venue d'Asie, qui a dévasté presque toute l'Europe à partir de 1348
et qui, transformée depuis en endémie, retarde ou ralentit une reprise
démographique par ses retours localisés mais périodiques et très meurtriers.
L'Europe est ainsi passée d'environ 90 millions d'habitants vers 1330, à
peut-être 60 millions vers 1400, soit une baisse d'un tiers. L'Angleterre et la
France ont été touchées plus encore que l'Europe en sa moyenne, puisque les
populations anglaise et française seraient passées, respectivement, de quelque
5 et 16 millions vers 1310, à, sans doute, environ 2 à 3 et 8 à 10 millions
d'habitants. Les deux royaumes pris ensemble, quoique bien diminués, comptent
au pire, au début du XVe s., encore trois fois plus d'hommes que toute
l'Hellade au Ve s.
av. J.-C., sur des territoires incommensurablement plus vastes. C'est dire
le saut quantitatif opéré d'une époque et d'une région à l'autre. C'est
dans ces conditions qu'aux VIIIe-VIIe s. av. J.-C. en Hellade, aux Xe-XIe s. en Europe
occidentale, a été par mise au point l'arme tactique la plus destructrice
possible : la force blindée automobile[16],
qui force la décision frontalement, en rase campagne, par sa vitesse et sa
puissance de choc lorsqu'elle heurte les lignes adverses - ce qui suppose, bien
sûr, que l'ennemi accepte ce type d'affrontement, et soit donc organisé de la
même manière. Les Grecs équipent ainsi lourdement en armes défensives et
offensives le fantassin, l'« hoplite », qui évolue en formation
serrée, la « phalange », cependant que les Européens promeuvent le
cavalier également lourdement équipé en armes défensives et offensives[17],
le « chevalier », qui évolue lui aussi en formation serrée, la
« bataille » [18]. La différence entre les deux formations guerrières vient de l'importance de ce qui peut, pour chacune d'elles, l'équiper, la nourrir, lui permettre de se déployer. Dans les deux cas, la métallurgie, le travail du bois, des fibres ou du cuir se développent dans des sociétés suffisamment complexes pour abriter une division du travail efficiente. En revanche, les Grecs n'ont pas de pâturages, sauf en Thessalie et en Macédoine, deux régions septentrionales à la périphérie de la civilisation grecque. En outre, à l'inverse des Européens du Nord-Ouest, leurs plaines étroites n'autorisent pas les Grecs à déployer de grandes forces montées qui, pour un nombre identique de combattants, évoluent dans un espace bien plus vaste que les armées de fantassins. L'hoplite est le fantassin
armé de l'hoplon, lourd bouclier rond de quatre-vingt-dix centimètres de
diamètre tenu par l'avant-bras et la main gauches grâce à un brassard et une
poignée. Par extension, les hopla désignent l'ensemble des armes
défensives : le casque, la cuirasse portée sur une tunique, les cnémides (jambières).
Les armes offensives sont la lance, arme du premier choc, et la courte épée
destinée au combat au corps à corps. Le chevalier possède, comme
armement défensif, l'écu (ou targe, ou bouclier) en bois et cuir ; le
haubert (ou brogne), tunique en mailles de fer qui couvre le corps des épaules
jusqu'aux genoux - une cuirasse articulée lui est souvent substituée à partir
du XIVe s. - ; la coiffe de mailles de fer protégeant
tête et cou ; le heaume, un casque oblong remplacé à partir du XIVe s.
encore par le bassinet à visière qui dissimule aussi le visage du combattant.
L'armement offensif se compose surtout d'une lance de trois à quatre mètres de
longueur utilisée pour la charge, d'une lourde épée et d'une dague maniées dans
la mêlée. Les points faibles de ces
combattants cuirassés sont les articulations et les extrémités mal protégées
par l'armure (gorge, aine, jambes et avant-bras de l'hoplite, gorge et jarrets
de la monture du chevalier), ainsi que le poids de l'ensemble de l'armement,
qui réduit considérablement la capacité manœuvrière de l'hoplite comme du
chevalier hors des terrains relativement plans, et qui diminue les ressources
défensives et offensives du chevalier tombé de cheval. Celui-ci se trouve dans
la nécessité de disposer d'une « remonte », cheval de rechange (il en
a parfois plusieurs) réservé à proximité immédiate de la mêlée par un valet
d'armes. Lors
de la charge, la force de frappe des hommes d'armes cuirassés résulte de la
conjonction de trois causes principales. Tout d'abord, lorsque le combattant a
pris de la vitesse, le poids même de l'équipement rend le heurt contre
l'adversaire d'autant plus violent. Ensuite, si l'arme offensive au moment du
choc est la lance, elle n'est plus une arme de jet (« lancée »), mais
se trouve calée sous le bras en position horizontale : ce n'est plus la
force du bras qui détermine la puissance de pénétration de l'arme, mais celle
du corps tout entier et de l'ensemble corps-cheval, transformés en projectile
auto-lancé. Le dispositif n'est opératoire pour le chevalier que si l'assise en
monture est suffisamment solide, ce que permettent à l'époque médiévale
l'adoption des étriers et de la selle à hauts bords avant et arrière, qui
bloquent les jambes et le tronc du guerrier. Enfin, l'action est collective.
Sur quatre à huit rangs de profondeur les hoplites s'alignent, la moitié droite
du bouclier de l'un protégeant la moitié gauche de son propre corps, cependant
que la moitié gauche du bouclier protège la moitié droite du voisin de gauche.
Ce faisant, l'alignement ne doit pas être rompu afin de ne présenter à
l'adversaire qu'un mur homogène de boucliers[19].
Les chevaliers chargent également en ligne et sur plusieurs rangs de
profondeur, leurs chevaux serrés les uns contre les autres autour du porteur de
l'étendard du seigneur banneret[20]. Le nombre, la discipline et
la solidarité des combattants commandent donc la réussite de l'engagement, le
but commun étant toujours, a contrario, de rompre la ligne adverse, d'y
créer des interstices de pénétration à élargir en brèches de dislocation puis
en victorieuses béances. De ce fait, chaque cité grecque, chaque seigneur
banneret a tout intérêt à rassembler la plus grande quantité possible de
servants. C'est pourquoi l'armement hoplitique s'est tendanciellement diffusé,
dans les cités grecques, de l'aristocratie jusqu'aux citoyens de grande et
moyenne fortune qu'ils soient paysans, artisans ou commerçants. En Europe,
s'est constitué pour les mêmes raisons un véritable groupe socio-professionnel
de chevaliers, issus des couches de petits seigneurs et d'alleutiers[21]
libres de toute allégeance, sauf au roi. Les limites à l'élargissement du
recrutement sont de deux ordres. Tout d'abord, au sein d'États qui ne prennent
pas en charge la fabrication et la gestion de l'équipement[22],
seuls les bénéficiaires de revenus suffisants peuvent se procurer un armement
lourd qui est à leur charge : ce sont les citoyens grecs aisés, et les
chevaliers dotés de terre s'ils sont seigneurs, ou bien dépendants d'un
seigneur. Ensuite, les élites sociales répugnent à armer les catégories
sociales les moins fortunées dès lors que celles-ci ne doivent pas être
intégrées à l'ordre politique. Les effectifs des armées
mobilisées ont de la sorte atteint des proportions importantes. À Marathon par
exemple (480 av. J.-C.), sur 40 000 citoyens théoriquement
disponibles, Athènes peut aligner 10 000 hoplites, qui disent la forte
militarisation de la cité. À Platées (479 av. J.-C.), les cités grecques
alliées disposent d'une force redoutable de 35 à 40 000 hoplites. Au
moment de la guerre de Cent Ans (1350-1450), les batailles les plus importantes
ne se livrent pas avec plus de 10 000 chevaliers, mais chaque chevalier
est accompagné de trois à cinq écuyers et valets d'armes eux-mêmes montés, qui
ont la responsabilité des chevaux de route ainsi que des chevaux de rechange et
des armes d'appoint qu'ils portent au cœur du combat. La société médiévale
apparaît moins militarisée, surtout en raison du fait que les armées
seigneuriales et royales, quoique de service, font appel à des professionnels,
à la différence des armées de service civique semi-professionnelles mobilisées
chez les Grecs à l'époque classique. Sur
mer, les Athéniens développent au fil des guerres médiques l'équivalent
maritime de la phalange hoplitique : l'escadre de galères. Les trières, à
trois rangs de rameurs, sont pourvues à la proue d'un éperon - l'équivalent de
la lance - destiné à éventrer et couler le navire adverse. La trière est elle
aussi un projectile, mû par 170 rameurs qui doivent manœuvrer ensemble,
cependant que chaque trière participe à un mouvement collectif au sein de
l'escadre - formation de navires alignés, comme les hoplites en phalange, sur
plusieurs rangs. À Salamine, avec 200 hommes par trière (rameurs, matelots,
état-major et hoplites embarqués) et 200 trières, 40 000 hommes sont
mobilisés, soit l'équivalent numérique du corps civique athénien tout entier.
La cité recourt alors aux thètes, la classe des citoyens les plus pauvres,
recrute en outre des métèques[23]
et sans doute aussi des esclaves. III. Ordre social et
valeurs militaires. Ainsi
la structure de la société militaire reflète-t-elle, de manière plus ou moins
déformée, la structure sociétale, et l'influence-t-elle en retour. La place
d'un individu dans une armée est en rapport direct avec sa place dans la
hiérarchie des pouvoirs et de la fortune. En Grèce, la
« révolution hoplitique » du VIIe s. av. J.-C. a
accompagné la démocratisation des institutions civiques dans les cités
traversées de conflits socio-politiques internes. La guerre n'est plus autant
que par le passé le moment de l'exploit individuel aristocratique chanté par
les poèmes homériques ; la phalange hoplitique signifie la massification
de la guerre, cependant que chaque hoplite forme une unité combattante
interchangeable puisque tous les hoplites jouent le même rôle dans l'action. Se développent de la sorte
des sentiments d'égalité et de solidarité entre les combattants, qui se
traduisent matériellement dans le partage du butin et aussi, plus indirectement
et de manière moins affirmée, dans la participation égalitaire des hoplites,
citoyens-soldats, à la prise de décision politique. Mais la hiérarchie
traditionnelle demeure. Les aristocrates conservent souvent un rôle
prééminent : cavaliers, chefs d'armée et chefs politiques ; la masse
des hoplites est constituée des « classes moyennes »[24] ;
les rameurs et les fantassins légers sont recrutés dans les classes pauvres des
citoyens, ou bien sont des Grecs originaires d'autres cités, voire des
mercenaires non-Grecs. Néanmoins, l'influence
politique de la révolution hoplitique se trouve indexée dans chaque cité au
style de gestion de la course aux armements. À Athènes, le recrutement des
hoplites touche une grande part du dèmos : la réserve de guerriers
est conséquente, avec pour inconvénient que ces soldats sont aussi, ou surtout,
paysans, artisans ou commerçants ; ils ne sont donc que de
semi-professionnels. À l'inverse, Sparte s'est orientée vers la
professionnalisation. Ses hoplites, les Homoioi[25],
représentent une proportion assez faible de la population de mâles adultes de
la cité, qui se consacrent exclusivement aux tâches guerrières et politiques
cependant que les autres catégories sociales sont vouées aux travaux
productifs. De ce fait, l'écart est maintenu entre les Homoioi et les
périèques, citoyens de seconde catégorie qui n'ont pas d'influence sur les
destinées de la cité. Les Spartiates atteignent un optimum de l'efficacité
hoplitique non par l'élargissement du recrutement, mais par la professionnalisation
d'un assez faible nombre de combattants[26]. Athènes, dont les marins
sont pour la plupart des thètes, transforme ces derniers en colons militaires
(les clérouques) lorsque, avec la mise sur pied de la Ligue de Délos, sa marine
devient le fer de lance d'une politique impérialiste au sein du monde grec.
Alors s'approfondit encore la démocratie athénienne : les intérêts des
citoyens de la classe la plus pauvre sont mieux pris en compte dans les
orientations politiques débattues par le dèmos. Au
Moyen Âge, l'apparition de la chevalerie, cette catégorie socio-professionnelle
de cavaliers cuirassés qui, à l'origine, ne s'identifie pas à l'aristocratie
terrienne, conduit à une représentation tripartite de la société élaborée et
formulée par les élites intellectuelles ecclésiastiques à partir du Xe s.
Au premier rang sont les clercs (ceux qui prient), suivis des nobles et des
chevaliers (ceux qui combattent), cependant que la presque totalité de la
population forme le troisième groupe fourre-tout de ceux qui travaillent pour
se nourrir et procurer un revenu aux deux groupes qui leur sont supérieurs dans
la hiérarchie du prestige et de la fortune. Les chevaliers se retrouvent
idéologiquement d'abord, puis de fait, agrégés peu à peu à la noblesse. Vers
1400, l'identification est totale entre chevaliers et nobles : le groupe
des chevaliers s'est alors fermé en caste et s'est lui-même très hiérarchisé,
des plus puissants seigneurs jusqu'au chevalier totalement dépendant d'un
seigneur qui l'entretient en échange de son service armé. Ces clivages sociaux
façonnent les armées médiévales. Les chevaliers sont suivis de leurs dépendants
(écuyers, valets d'armes) ; les chevaliers vassaux entourent leur suzerain
autour de sa bannière, composant ainsi l'unité d'action qu'est la
« bataille ». Du côté des fantassins (les « piétons »), les
communiers[27] par exemple
sont rangés par corps de métier au sein de l'armée royale. Cette composition
sociale des armées médiévales conduit parfois à mettre en danger l'efficacité
de l'ensemble du groupe combattant. Ainsi le mépris des chevaliers pour la
« piétaille » (l'infanterie) est une cause du désordre interne qui
explique en partie la défaite de l'armée du roi de France affrontée à celle du
roi d'Angleterre à Crécy, en 1346. Une autre raison de cette défaite française
est la concurrence et la surenchère dans la prouesse auxquelles se livrent des
« batailles » de seigneurs rivaux de l'armée du roi de France, qu'il
devient dès lors impossible de coordonner en vue d'une action commune pourtant bien
plus efficace. Plus généralement, lorsque
le combat est engagé, les valeurs dites « chevaleresques »
s'appliquent entre chevaliers adverses dans l'intérêt bien compris de
chacun : épargner la vie le plus qu'il est possible, afin de tenter la
capture à rançon d'un chevalier de quelque importance. En vertu de cette
logique à la fois honorifique et pécuniaire, plus un chevalier est riche et
puissant, plus il a, au combat, de chances de survie. En revanche, les
chevaliers massacrent sans pitié les piétons ennemis, et les piétons les
chevaliers ennemis. Parce que, socialement, deux mondes se côtoient au sein de
la même armée, antagonismes et affinités se constituent aussi bien en fonction
de la hiérarchie sociale globale qu'autour d'une dichotomie entre combattants
du même camp et combattants adverses. Le degré de férocité dans le combat est
alors une expression des conflits internes latents qui travaillent
ordinairement toute la société. Un épiphénomène majeur de la ségrégation sociale et de la hiérarchie des valeurs qui en résulte sur le plan militaire est la production d'une idéologie prestigieuse et déformante de la guerre, qui imprègne tant la littérature que l'écriture de l'histoire, des temps anciens jusqu'à nos jours. Elle est élaborée par, ou pour les acteurs du type de combat le plus spectaculaire par ses moyens, son déroulement et ses effets de décision immédiats. En raison de son support littéraire (pièces de théâtre, romans, etc.), elle bénéficie d'une excellente publicité qui lui garantit une transmission à la postérité mieux assurée qu'à d'autres représentations de la réalité de la guerre. Car les guerriers cuirassés
sont à la fois l'élite des combattants et de la société. En Grèce et en
Europe, sont donc placées au premier plan des viriles valeurs militaires celles
qui, pour cette catégorie de combattants, garantissent l'efficacité collective
dans le choc frontal mais aussi dans les corps à corps qui s'ensuivent. Ainsi
de la « loyauté », cette solidarité envers les combattants de même
rang ; ainsi de la « prouesse », qui allie à la hardiesse,
c'est-à-dire le courage physique et moral face à l'adversaire, la maîtrise de
soi qui permet au brave de triompher de sa peur des blessures et de la mort.
Or, ces valeurs militaires ne sont pas essentielles à la pratique courante de
la guerre si celle-ci n'est plus seulement fréquente, mais durable - la
longue guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.) suivie de l'interminable
conflit entre Sparte, Thèbes et Athènes (404-355 av. J.-C.), comme la
guerre de Cent Ans, ont profondément influé sur l'évolution des sociétés qui
les ont menées. Les rapides et meurtriers affrontements entre phalanges
hoplitiques ou batailles de chevaliers ne sont dès lors plus que des combats
paroxystiques relativement peu fréquents qui s'avèrent ne pouvoir emporter la
décision[28]. C'est que dans ces sociétés
grecque et ouest-européenne à relativement forte densité urbaine, la guerre est
essentiellement de raid et d'usure. Se mêlent les incursions dans le plat-pays
où la razzia est le but majeur[29],
et la nécessité de contrôler méthodiquement des points d'appui en territoire
ennemi, par des sièges de places fortes au cours desquels la logistique et la
négociation jouent, dans la discrétion, les premiers rôles. De sorte que les
guerres longues et de grande ampleur s'organisent surtout autour des experts en
fortifications (mineurs, ingénieurs, artilleurs) et de ces troupes légères
(cavaliers et fantassins) au sein desquelles les spécialistes des armes de jet
renforcent leur utilité : archers, frondeurs, lanceurs de javelots en
Grèce ; archers, arbalétriers, puis artilleurs de campagne au Moyen Âge.
La ruse, le sens de
l'embuscade profitable, l'aptitude au « décrochage » opportun, le
souci d'économie, l'habileté à négocier, le savoir-faire logistique, la cruauté
ciblée et le talent médiatique sont alors autant de valeurs guerrières
d'efficacité de mieux en mieux démontrée et qui rendent bien frustes la loyauté
et la prouesse dans le cas où un chef militaire doit « tenir » un
pays, une province, une ville. Comme de ces affrontements
la décision ne se dégage qu'à long terme par épuisement mutuel mais
asymétrique des belligérants, ils ne cristallisent aucune valeur
fantasmatique similaire à celles issues du choc brutal et bref, immédiatement
mais faiblement décisif, de deux troupes à la composition guerrière élitaire.
Ils souffrent par suite d'une plus grande obscurité médiatique, en l'occurrence
littéraire. Le destin de deux figures militaires françaises de la guerre de
Cent Ans illustre parfaitement ce ressort des pratiques guerrières en conflit
de longue durée : Bertrand Du Guesclin (v. 1320-1380), petit noble
breton devenu le principal chef de guerre du roi de France Charles V,
finit enterré auprès de son souverain - insigne honneur qu'il dut aux talents
non chevaleresques ci-dessus mentionnés ; à l'inverse, Jeanne d'Arc
(v. 1412-1431) qui, après de brillants débuts, gêna Charles VII par
sa hargne à vouloir trop frontalement en découdre avec les Anglo-Bourguignons,
périt abandonnée de son roi. IV. Épilogue. De la
parenté à la divergence : la mutation « moderne » en Europe. En s'intensifiant[30],
la guerre se technicise et se professionnalise. Le recours au mercenariat prend
alors une nouvelle dimension, et les structures politiques les plus riches - souvent
les plus grands États - se trouvent favorisées. C'est le cas dans le monde grec
à partir de la seconde moitié du Ve s. av. J.-C., et en
Angleterre et en France à l'époque de la guerre de Cent Ans. En Hellade,
l'aboutissement de ce processus est la suprématie de la Macédoine qui bénéficie
d'une armée « nationale » nombreuse et professionnelle, puis la
naissance des grands royaumes de culture grecque, dits
« hellénistiques », qui surclassent définitivement les petites
cités-États. En Europe occidentale, la guerre de Cent Ans est un âge d'or des
armées stipendiées cependant que se constituent des embryons d'armées
nationales permanentes. Désormais, le salaire
complète ou remplace le service, et l'individualisme des chefs de guerre, comme
des simples soldats[31],
est plus marqué. Des techniques plus sophistiquées et plus coûteuses, en
particulier dans les domaines de la fortification (castramétation[32]
et poliorcétique[33]), de
l'artillerie (les armes de jet lourdes), de la marine, justifient l'étoffement
d'administration étatiques d'encadrement, de contrôle, de mobilisation des
moyens de l'action guerrière. Au XVe s. en Europe, une telle
évolution débouche sur une mutation inédite : l'usage des armes à feu,
dont la puissance de destruction et la rapidité d'apprentissage de leur
maniement par « le vulgaire »[34]
commencent à modifier radicalement la physionomie de la guerre et le regard
qu'une partie des élites sociales porte sur elle. Ce dernier devient de plus en
plus négatif, jusqu'à parfois déshéroïser le guerrier[35].
Parallèlement se construit par mille canaux la valorisation de l'État, seul à
même de capter, toujours avec difficulté cependant, les considérables
ressources que nécessitent les formes « modernes » des conflits
armés. En dépit de ce qui
différencie les civilisations auxquelles elles appartiennent, les armées
grecques et médiévales ont suivi une semblable évolution, synthétisée dans les
deux tableaux ci-après. La comparaison des moyens de combattre que se donnent
les deux sociétés fait ainsi apparaître la correspondance entre les armées de
la Grèce classique des Ve-IVe s. av. J.-C.[36]
et les formations de l'époque féodale des XIe-XIVe s.,
cependant qu'aux armées hellénistiques des IVe-IIe s.
av. J.-C. s'apparentent celles, pré-modernes, des XIVe-XVe s.[37] Quant à la force blindée automobile, elle est mise à mal dès que des armes de jet de campagne rendent inefficace le blindage[38]. Au début du XVIe s., les armes à feu du fantassin et de l'artilleur disqualifient définitivement la panoplie du chevalier ; la primauté revient aux masses de fantassins légers capables de mettre en œuvre, dans la discipline, la plus grande puissance de feu possible. Mais, phénix de l'histoire militaire, la force blindée automobile resurgit à nouveau, sous sa forme industrialisée : sur mer d'abord, avec le navire cuirassé (fin XIXe-début XXe s.), puis à terre lorsque se forme, à la fin de la Première Guerre mondiale, l'union inédite du char d'assaut et du chasseur-bombardier[39]. Il est remarquable qu'aviateurs et tankistes soient assimilés à une incarnation contemporaine des cavaliers d'autrefois : les premiers aviateurs étaient surnommés les « chevaliers du ciel », et être versé « dans la cavalerie » signifie encore aujourd'hui, en France, servir dans les chars. Orientation bibliographique 1.1 - Ruano-Borbalan, Jean-Claude (coord.), L'histoire
aujourd'hui, Auxerre, Sciences Humaines Éditions, 1999, xiv-473 p. Cf. chap. VII,
« L'histoire de la guerre : un chantier en émergence »,
p. 205-235. 1.2 - Bouthoul, Gaston, La Guerre, Paris,
PUF, coll. « Que sais-je ? », 3e éd. 1963 (1re
éd. 1953), 128 p. - Keegan, John, Histoire de la guerre du
néolithique à nos jours, Paris, L'Esprit frappeur, 2000, 5 vol. 1re
éd. française, Paris, Dagorno, 1996, 1 vol. Éd. originale en anglais,
1993. - Nières, Claude, Faire la guerre. La guerre
dans le monde de la préhistoire à nos jours, Toulouse, Privat, 2001,
286 p. - Vaïsse, Maurice (dir.), Aux armes
citoyens. Conscription et armée de métier des Grecs à nos jours, Paris,
Armand Colin, 1998, 183 p. - Guilaine, Jean et Zammit, Jean, Le sentier
de la guerre. Visages de la violence préhistorique, Paris, Seuil, 2001,
377 p. 1.3 - Cosandey, David, Le Secret de
l'Occident. Du miracle passé au marasme présent, Paris, Arléa, 1997,
469 p. - Brasseul, Jacques (avec Cosandey,
David), « L'évolution divergente des sciences et des techniques sur les
deux rives de la Méditerranée : les leçons de l'histoire », in revue Mondes
en développement, 1999, t. 27, n° 105, p. 15-27. - Baechler, Jean, Le Capitalisme, Paris,
Gallimard, coll. « Folio Histoire », 1995, 2 t. ;
t. 1, Les origines, 444 p. et t. 2, L'économie
capitaliste, 452 p. - Baechler, Jean, Nature et histoire,
Paris, PUF, 2000, 1 135 p. - Grataloup, Christian, Lieux d'histoire.
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187 p. - Mossé, Claude, La démocratie grecque,
Paris, M.A. Editions, coll. « Le monde de... », 1986, 237 p. 2.2 - Amouretti, Marie-Claire et Ruzé, Françoise, Les
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en anglais, 1988. - Henninger, Laurent, « Révolutions militaires de la Renaissance et des Temps modernes », in Montbrial, Thierry et Klein, Jean (dir.), Dictionnaire de la stratégie, Paris, PUF, 2000. [1] Ce travail est réalisé en marge d'une étude de littérature comparée où figurent en particulier Les Perses d'Eschyle, et Henry IV de Shakespeare. Les Perses, tragédie construite autour de l'épisode du combat naval de Salamine (480 av. J.-C.), fut composée par un ancien combattant de Salamine qui participa également au combat hoplitique de Marathon (490 av. J.-C.) ; elle fut représentée en 472 av. J.-C. devant le public athénien qui avait vécu les événements. Quant à Henry IV, Shakespeare a écrit ce drame v. 1597, environ deux siècles après le règne (1399-1413) du roi éponyme de la pièce. [2] Par suite, elle paraît faire figure de cause majeure de la surpuissance technique et politique de celui-ci par rapport aux autres civilisations du globe à l'époque contemporaine. [3] David Cosandey, Le Secret de l'Occident. Du miracle passé au marasme présent, Paris, Arléa, 1997, 469 p. L'auteur, docteur en physique théorique et salarié d'une grande entreprise, souhaite répondre à la classique question suivante : « Pour quelle raison l'Europe seule a-t-elle accouché de la science et de l'industrie modernes ? Pourquoi pas l'Islam, l'Inde ou la Chine ? » (p. 17). Il rappelle que deux éminents historiens contemporains, de la Chine (Joseph Needham) et de l'Occident (Fernand Braudel), avaient eux aussi posé cette question ; et d'ajouter : « Le miracle européen, il n'est guère besoin de le souligner, est l'une des grandes énigmes de l'histoire » (ibidem). Professeur d'économie à l'Université de Toulon, Jacques Brasseul a rédigé en collaboration avec David Cosandey un article qui reprend et exploite les thèses de ce dernier : « L'évolution divergente des sciences et des techniques sur les deux rives de la Méditerranée : les leçons de l'histoire », in Mondes en développement, 1999, t. 27, n° 105, p. 15-27. [4] Du grec meros, « diviser », et euporeos, « être dans l'abondance » ; le mot signifie « prospérité-économique-et-division-politique-stable ». D. Cosandey, Le Secret de l'Occident, op. cit., p. 147. [5] D. Cosandey résume ainsi sa thèse : « Les conditions du progrès scientifique et technique sont le succès économique et la division politique stable. Pour qu'un système isolé (une civilisation, une région) connaisse le progrès scientifique et technique, il faut qu'il soit divisé en plusieurs États durables et qu'il bénéficie d'une économie dynamique. Je me réfère à cette situation en parlant d'une bonne méreuporie. Si l'Europe a connu un extraordinaire décollage scientifique, c'est parce qu'elle a bénéficié d'une très longue période de division politique stable et de prospérité commerciale (en fait l'ensemble du IIe millénaire), au contraire des autres civilisations. » Ibidem, p. 19. C'est l'auteur qui souligne. Dans un premier chapitre, D. Cosandey passe d'abord en revue, en soulignant leurs insuffisances, « les explications traditionnelles ». Au nombre de sept, ces grandes hypothèses sont « religieuse » (le christianisme, et mieux encore le protestantisme, seraient plus favorables au progrès scientifique et technique que les autres religions), « culturelle » (les coutumes, mentalités, croyances des Européens les auraient mieux préparés), « ethnique » (sont invoquées de soi-disantes capacités innées des « Blancs » d'Europe), « climatique » (les caractéristiques du climat tempéré sont supposé être plus favorables), « tiers-mondiste » (les bénéfices du pillage colonial orchestré par les Européens auraient joué un rôle déterminant), « grecque » (l'héritage de la science hellène antique est privilégié) ; l'ultime explication traditionnelle est, faute de mieux : le « hasard ». [6] Une idée également étudiée par Jean Baechler dans son essai Le Capitalisme, Paris, Gallimard, 1995, 2 t. Cf. t. 1, Les origines, 3e partie « Les conditions politiques du capitalisme », chap. I, « Le concert européen » : l'auteur lie le développement économique européen à la démocratie, et cette dernière à une « structure oligopolaire [qui] réunit de cinq à dix polities [...] dont le rapport de puissance est tel qu'aucune ne peut l'emporter sur la coalition de toutes les autres » (p. 324). Si J. Baechler détaille les effets de l'oligopolarité politique, il attribue essentiellement au hasard (p. 330) cette « pérennité de la non-impérialisation de l'Europe » (p. 328) alors que Cosandey en propose une causalité. [7] Leur puissance dépasse progressivement celle des États hellénistiques. [8] D. Cosandey, op. cit.,
p. 272. [9]
Le phénomène est décrit par Eric Jones, The European miracle. Environments, economies and
geopolitics in the history of Europe and Asia, Cambridge University Press, 1981,
ix-276 p. [10] L'industrialisation fait subir une mutation à la capacité et à la rapidité des transports terrestres, avec l'apparition au XIXe siècle du couple locomotive et voie ferrée, auquel s'ajoute au XXe siècle celui unissant voiture automobile et route revêtue (de pavés, puis de goudron). Dans le domaine maritime, l'acier et la vapeur, puis les hydrocarbures engendrent des bouleversements similaires. En outre, l'aviation commerciale naît dans les années 1920. [11] Dans cette perspective, il semble que le concept de thalassographie articulée puisse être appliqué aux civilisations du Croissant fertile nées des fleuves (Tigre et Euphrate, Jourdain, Nil) : il s'agirait là d'une « potamographie » articulée (du grec potamos, fleuve). [12] Pour étalonner ces chiffres : la superficie d'un département français de taille moyenne est de 6 000 km². [13] Étalonnage : l'agglomération de Casablanca compte à l'aube du XXIe s. environ 3 millions d'habitants. [14] Le Bassin de Londres est limité au Nord par la chaîne Pennine anglaise, à l'Ouest par les monts Cambriens gallois. [15] Le Bassin parisien et le Bassin aquitain sont bordés du Sud-Ouest au Nord-Est par les Pyrénées, le Massif Central, l'arc alpin, les Vosges et l'Ardenne. [16] « Automobile » : le terme doit être compris dans son sens étymologique de « qui se meut par soi-même ». [17] L'homme est cuirassé, mais le cheval aussi dans le meilleur des cas. [18] Le type du combattant cuirassé est réinventé dès que les conditions guerrières et générales peuvent le susciter : par exemple, les Assyriens, les Chinois ou les Japonais en armure, les Carthaginois ou les Indiens juchés sur leurs éléphants, y ont eu recours indépendamment des Grecs et des Européens. [19] Du fait du réflexe individuel de protection de chaque hoplite derrière la moitié du bouclier de son voisin - qu'il ne contrôle pas -, la phalange tend toujours à dériver vers la droite. [20] Seigneur assez puissant pour être chef de « bataille ». Il combat entouré de ses vassaux, qui sont ses seigneurs clients. La bannière permet la reconnaissance des grands seigneurs (y compris par l'adversaire) et le ralliement des combattants. Sa conquête est un enjeu de prestige. [21] À l'inverse du « tenancier », l'alleutier est un paysan qui détient sa terre en pleine propriété parce qu'il n'est pas réputé la « tenir » d'un seigneur. [22] Ce qui est le cas de la plupart des cités grecques et des royaumes européens du temps de la féodalité. En revanche, le royaume macédonien du IVe s. av. J.-C., puis les États hellénistiques et romains, enfin les États « modernes » européens à partir du XVe s., concentrent dans des arsenaux un armement standardisé, qui demeure cependant le plus souvent complété par la ressource privée des élites socio-militaires. [23] Les Grecs étrangers à la cité. [24] « Classes moyennes » est une expression contemporaine. Il s'agit ici des catégories relativement aisées d'agriculteurs, d'artisans, de commerçants, etc. [25] Semblables, Égaux, Pairs. [26] Aussi bien se pose aux Spartiates le problème démographique et politique du recrutement des Homoioi dès lors qu'une guerre longue et meurtrière rend insuffisant le seul renouvellement générationnel. [27] Membres des milices communales envoyées à l'armée du roi par les villes le temps d'une campagne militaire. [28] L'issue des guerres médiques est bien entendu en partie déterminée par les trois grandes victoires remportées successivement par les armées grecques (Marathon, Salamine, Platées). Mais, eu égard à la puissance des rois perses, le maintien de l'indépendance de la Grèce apparaît surtout comme la conséquence du manque de persévérance de l'agresseur. Les raisons en sont par exemple que, pour les Perses, la Grèce est un théâtre d'opérations secondaire et excentré, et que les divisions dynastiques des Achéménides brident leur expansionnisme (les Grecs interviennent d'ailleurs, par leur diplomatie et leurs mercenaires, dans ces luttes dynastiques). Les rois macédoniens Philippe II et son fils Alexandre le Grand ont accompli entre 359 et 323 av. J.-C. ce que Darius ni Xerxès n'avaient mené à terme au début du Ve s. av. J.-C. La guerre de Cent Ans illustre en son temps ce constat général. Les Anglais ont remporté les trois plus éclatantes victoires du conflit (Crécy, 1346 ; Poitiers, 1356 ; Azincourt, 1415) mais, ayant échoué à contrôler le territoire du royaume de France et à y rallier durablement les populations, ils sont finalement progressivement expulsés entre 1429 et 1453, au terme d'un quart de siècle de grignotages où sièges, petits combats en rase campagne, négociations avec les grands seigneurs du royaume, modernisation de l'appareil financier et de l'armée du roi de France, et promotion de la légitimité de ce dernier auprès de ses sujets sont autant d'actions aussi décisives que de peu d'éclat. [29] Lors de la guerre de Cent Ans, de petites armées anglaises conduisaient régulièrement des « chevauchées », soit des expéditions de pillage des campagnes françaises qui évitaient le plus souvent les villes et bourgs trop bien fortifiés. Du reste, les grandes défaites françaises de la guerre de Cent Ans contre les Anglais ont eu chaque fois pour origine la volonté d'une armée française d'anéantir une armée anglaise débarquée pour une de ces « chevauchées ». [30] L'intensification est multiforme : acteurs plus nombreux, durée des opérations allongée sur de plus vastes théâtres, ressources mobilisées pour la guerre plus importantes, corps social davantage tourné vers la guerre ou marqué par elle. [31] Au sens propre, le « soldat » est le guerrier soldé, c'est-à-dire salarié pour son savoir-faire d'homme d'armes. [32] La technique d'élévation des fortifications. [33] La technique de conduite des sièges de places fortes. [34] En outre, du XIIIe au XVe s., là où les villes parvinrent à renforcer leur autonomie (en Flandre, en Allemagne, en Suisse, en Italie - mais non en Angleterre ni en France où, au contraire, les rois renforcèrent leur État), les milices urbaines avaient mis au point des formations d'infanterie équipées d'armes à hampe longue comme les piques ou les hallebardes qui, avec de l'entraînement, permettaient - de même que les armes de jet - de tenir à distance les chevaliers cuirassés, et même de soutenir le choc de leur charge : se trouvait d'une certaine façon ressuscitée la phalange macédonienne (dont les lances étaient de taille supérieure à la phalange hoplitique classique). Les milices suisses réussirent de la sorte à infliger dans les années 1470 de cuisantes défaites à l'un des princes les plus puissants d'Occident : le duc de Bourgogne Charles le Téméraire. [35] Le roman picaresque des XVIe-XVIIIe s., démarqué en négatif du roman de chevalerie, est un symptôme littéraire de cette déshéroïsation ; des poètes, des ecclésiastiques, puis des philosophes témoignent eux aussi de ce que l'« urbanité », la « civilité », l'« honnêteté » modernes s'écartent de plus en plus de la promotion du guerrier qu'avait illustrée la « courtoisie » médiévale. Pourtant, à partir surtout de la Révolution française de 1789, une réhéroïsation se produit au bénéfice non plus du guerrier lui-même, mais de l'armée nationale prise globalement comme émanation de l'État-nation. L'héroïsme apparaît de la sorte fortement corrélé à la notion de service, autrement dit à l'activité guerrière justifiée, non par des considérations pécuniaires, mais par des raisons morales : l'honneur, dans ses versions individuelle - l'héroïsme proprement dit -, et collective - le patriotisme, civique des Grecs, national des Européens. Une seconde déshéroïsation, cette fois du patriotisme, se produit à la suite d'un nouvel et spectaculaire accroissement de la puissance destructrice des armées : celle des deux guerres mondiales qui font des dizaines de millions de morts et de blessés et se concluent au surplus par l'usage d'une arme atomique effrayante pour tous les belligérants. Rappelons enfin que, d'après les (moindres) témoignages laissés, les populations dans leur ensemble n'ont jamais conçu d'image positive de guerres qu'elles ont toujours subi, même lorsque les guerres étaient malgré tout considérées, en raison de leur fréquence, comme faisant partie de l'ordre naturel des choses. [36] La Grèce des Perses d'Eschyle. [37] L'Angleterre et la France évoquées par le Henry IV de Shakespeare. [38] Jules Verne, en ouverture de son De la Terre à la Lune, décrit en 1865 la compétition pathétiquement inégale que se livrent des blindages constamment menacés d'obsolescence et des armes perforantes régulièrement renouvelées. [39] Depuis qu'existent l'aviation et le porte-avions, les armées terrestre et navale n'ont plus de réelle mobilité sans couverture aérienne. La guerre du Golfe de 1990-1991 l'a encore récemment démontré, au bénéfice des Américains qui ont transformé le désert koweïtien en cimetière de chars irakiens. | |||||
Schéma d'évolution de la société militaire dans le monde grec et hellénisé de l'Antiquité
Étapes de l'évolution
|
Nature du recrutement
|
Guerre et
société
|
Principales
composantes des armées
|
Phase 1 IIe
millénaire av. J.-C. → VIIIe/VIIe
s. av. J.-C. |
· Armée
de service, temporaire, de cavaliers et fantassins lourds. · Et
mercenaires fantassins. |
· Guerre aristocratique dans États de petites dimensions et à
faible population : luttes entre grandes familles et leurs clients. |
· Cavaliers légèrement armés et chariots de guerre léger à
deux roues [« Hector »], infanterie légère d'appoint. · Depuis
XIIIe s. av. J.-C., fantassins cuirassés [« Achille
aux pieds légers »]. |
Phase 2 VIIIe/VIIe → IVe
s. av. J.-C. |
· Armée
de service mais salariée, - temporaire (hoplites athéniens) - ou permanente (hoplites spartiates, peu nombreux par choix socio-politique ; rameurs athéniens colonne vertébrale de l'empire maritime ; phalange macédonienne). · Et
mercenaires fantassins légers. |
· Défense d'un territoire civique mieux délimité parce que
plus peuplé et plus intensivement mis en valeur : interventions
armées sur de petites et moyennes distances, durant d'assez courtes périodes. · Course aux armements sans hausse de productivité technique,
d'où accroissement de la mobilisation des hommes. · L'intensification de la vie civique se traduit aussi par la
militarisation de la population des cités : citoyens-soldats et
progrès de la démocratie. |
· Fantassins cuirassés : hoplites en phalange. Emploi en
masse d'une infanterie composée de citoyens des classes riche et
moyenne (paysans, artisans, commerçants) · Rameurs : citoyens des classes pauvres, et/ou esclaves,
et/ou étrangers mercenaires, selon les besoins en effectifs |
Phase 3
IVe s.
av. J.-C. → Ve s.
ap. J.-C. (a) IVe → Ier
s. av. J.-C. |
· Armée
surtout contractuelle, permanente, de mercenaires souvent transformés
en clérouques (colons militaires). · Puis armée mixte : - de service mais salariée et permanente, - et contractuelle, permanente. · Et
mercenaires fantassins légers. |
· Grands États hellénistiques nés de la conquête : ainsi,
au départ au moins, peu d'appuis locaux, et interventions armées sur
de grandes distances pendant de longues périodes. · Donc démilitarisation de la population et âge d'or du
mercenariat, dans le contexte d'une économie de plus en plus monétarisée. |
· Fantassins cuirassés · Auxiliaires dans toutes sortes d'armements · Flotte |
(b) IVe/Ier s.
av. J.-C. → IIIe s.
ap. J.-C. |
· Armée mixte : - de
service, salariée, permanente, - et contractuelle, permanente. · Et mercenaires fantassins légers. |
· État romain, né de la conquête. - soldats pour la plupart « romains » :
légionnaires citoyens romains ou destinés à le devenir au terme de
leur engagement, soldés, et souvent transformés en colons quand démobilisation. - auxiliaires mercenaires non-Romains (non citoyens
romains ou qui ne sont pas destinés à le devenir). |
· Fantassins cuirassés (légionnaires romains) · Auxiliaires dans toutes sortes d'armements · Flotte |
(c) IIIe → Ve s. |
· Armée mixte : - de service, salariée, permanente, - et contractuelle, permanente (dont colons
militaires étrangers aux frontières). · Et
mercenaires fantassins légers. |
· État romain : - soldats romains soldés, constituée en armée
permanente, - mais mercenariat de colons militaires sur le limes,
de plus en plus nombreux avec les vagues de migrations des « Barbares ». · Ce système ne peut empêcher dans sa moitié occidentale la
disparition de l'empire romain. Dans sa moitié orientale, il se
poursuit jusqu'au XIIIe s. : c'est l'empire
romain d'Orient, dit « empire byzantin » par les
historiens occidentaux. |
· Fantassins cuirassés (légionnaires romains) · Auxiliaires dans toutes sortes d'armements · Flotte · Colons militaires « barbares » sur le limes |
Schéma
d'évolution de la société militaire en Europe occidentale, du Moyen Âge
à nos jours
Étapes de l'évolution
|
Nature du recrutement
|
Guerre et
société
|
Principales
composantes des armées
|
Phase 1
Ve → VIIIe s. |
· Armée
de service, temporaire. |
· Grands États nés de la conquête des populations de l'empire
romain d'Occident par des populations germaniques aux effectifs
faibles (env. 5 % de la population totale). · Dans les populations germaniques, tous les hommes libres sont
des guerriers mobilisables en temps de guerre : société militarisée
dans sa frange dominante. |
· Cheval
pour les riches · Fantassins :
paysans aisés (car
équipement à la charge de chaque guerrier) |
Phase 2
IXe s. → début
XIVe s. |
· Armée
de service, temporaire, service rémunéré en terres. |
· Grands
États politiquement atomisés par la féodalité. Les féodaux sont des
chevaliers en possession de terres importantes (les « fiefs »). · Classe
socio-professionnelle des chevaliers, auxquels des terres sont attribuées · À
partir du Xe s.,
milices communales levées dans les villes devenues autonomes des
seigneurs, mais dépendantes des rois. |
· Cavalerie
cuirassée des chevaliers · Fantassins · Artillerie
de siège |
Phase 3 XIVe → XVIIIe s
(a) XIVe → XVe
s. |
· Armée
mixte : - de
service, salariée, temporaire, - et
contractuelle, plus ou moins permanente. |
· Classe socio-professionnelle des chevaliers toujours socialement
dominante, mais amoindrie dans son rôle militaire par le recrutement
par des souverains plus puissants d'armées de mercenaires. · Interventions armées sur de longues périodes. · Donc démilitarisation de la population et âge d'or du
mercenariat, dans le contexte d'une économie de plus en plus monétarisée. |
· Cavalerie cuirassée des chevaliers · Fantassins de plus en plus nombreux et spécialisés (archers,
arbalétriers) · Artillerie de siège |
(b) fin
XVe s. → XVIIIe s. |
· Armée
mixte : - de
service, salariée, permanente, - et
contractuelle, permanente. |
· Les nobles sont officiers au service de leur souverain. · Organisation de milices de nationaux mobilisés temporairement
en cas de nécessité. · Régiments de mercenaires nationaux ou étrangers soldés en
permanence par les souverains. · Interventions armées sur de grandes distances durant de longues
périodes. |
· Fantassins dotés d'armes à feu · Cavalerie légère (nobles et professionnels) · Artillerie de siège et de campagne · Flotte |
Phase 4 XIXe → XXIe s...
[inédite] (a) XIXe s. |
· Armée
de service, nationale, salariée, permanente, de professionnels. |
· Élimination des mercenaires étrangers : « nationalisation »
des armées. · Les soldats sont des professionnels, des « mercenaires »
nationaux fonctionnarisés, qui font carrière dans l'armée. · Interventions armées sur de grandes distances durant de longues
périodes. |
· Fantassins dotés d'armes à feu · Cavalerie légère (nobles et professionnels) · Artillerie de siège et de campagne · Flotte |
(b) XXe s. |
· Armée
de service, nationale, salariée, permanente, de professionnels. · Service
militaire et mobilisation générale mais temporaire de tous les
citoyens mâles. |
· Les soldats sont des professionnels, des « mercenaires »
nationaux fonctionnarisés, qui font carrière dans l'armée. · Interventions armées sur de grandes distances durant de longues
périodes. · Avec l'industrialisation des armements, les citoyens
effectuent un service militaire temporaire d'apprentissage en temps de
paix, encadrés par des militaires « de carrière » ;
pour un conflit grave, mobilisation générale des nationaux adultes de
sexe masculin : militarisation de la société. |
· Fantassins dotés d'armes à feu · Chars d'assaut · Artillerie lourde et de campagne · Flotte cuirassée · Aviation |
(c)
[@ retour
à (a)]
XXIe s. |
· Armée
de service, nationale, salariée, permanente, de professionnels. |
· Les militaires « de carrière » n'encadrent plus
de citoyens effectuant un service militaire temporaire : démilitarisation
de la société. · Interventions armées sur de grandes distances durant de courtes
périodes. |
· Fantassins dotés d'armes à feu · Chars d'assaut · Artillerie lourde et de campagne · Flotte cuirassée · Aviation |